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« — C’est le dieu du chelem (slam) que ce Karkoël ! — lui dit-il, avec la surprise de l’enchantement ; — arrangez-vous pour qu’il ne nous quitte pas de sitôt.

« Hartford le promit et le vieux marquis, malgré son âge et son sexe, se prépara à jouer le rôle d’une sirène d’hospitalité.

« Je me suis arrêté sur cette première soirée d’un séjour qui dura plusieurs années. Je n’y étais pas ; mais elle m’a été racontée par un de mes parents plus âgé que moi, et qui, joueur comme tous les jeunes gens de cette petite ville où le jeu était l’unique ressource qu’on eût, dans cette famine de toutes les passions, se prit de goût pour le dieu du chelem. Revue en se retournant et avec des impressions rétrospectives qui ont leur magie, cette soirée, d’une prose commune et si connue, une partie de whist gagnée, prendra des proportions qui pourront peut-être vous étonner. — La quatrième personne de cette partie, la comtesse de Stasseville, ajoutait mon parent, perdit son argent avec l’indifférence aristocratique qu’elle mettait à tout. Peut-être fut-ce de cette partie de whist que son sort fut décidé, là où se font les destinées. Qui comprend un seul mot à ce mystère de la vie ?… Personne n’avait alors d’intérêt à observer la comtesse. Le salon ne fermentait que du bruit des jetons et des fiches… Il au-