Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vieux monde. À présent, il n’y en a plus. On lui avait beaucoup parlé de la fameuse Hauteclaire Stassin, et il avait voulu voir ce miracle. Il la trouva ce qu’elle était, — une admirable jeune fille, piquante et provocante en diable dans ses chausses de soie tricotées, qui mettaient en relief ses formes de Pallas de Velletri, et dans son corsage de maroquin noir, qui pinçait, en craquant, sa taille robuste et découplée, — une de ces tailles que les Circassiennes n’obtiennent qu’en emprisonnant leurs jeunes filles dans une ceinture de cuir, que le développement seul de leur corps doit briser. Hauteclaire Stassin était sérieuse comme une Clorinde. Il la regarda donner sa leçon, et il lui demanda de croiser le fer avec elle. Mais il ne fut point le Tancrède de la situation, le comte de Savigny ! Mlle Hauteclaire Stassin plia à plusieurs reprises son épée en faucille sur le cœur du beau Serlon, et elle ne fut pas touchée une seule fois.

« — On ne peut pas vous toucher, mademoiselle, — lui dit-il, avec beaucoup de grâce. — Serait-ce un augure ?…

« L’amour-propre, dans ce jeune homme, était-il, dès ce soir-là, vaincu par l’amour ?

« C’est à partir de ce soir-là, du reste, que le comte de Savigny vint, tous les jours, prendre une leçon d’armes à la salle de La