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des regrets qu’elles m’exprimaient dans mes visites du matin à leurs mères, car elles n’avaient jamais bien vu que la tournure de cette fille, faite pour l’amazone, et qui la portait comme vous — qui venez de la voir — pouvez le supposer, mais dont le visage était toujours plus ou moins caché dans un voile gros bleu trop épais. Mlle Hauteclaire Stassin n’était guère connue que des hommes de la ville de V… Toute la journée le fleuret à la main, et la figure sous les mailles de son masque d’armes qu’elle n’ôtait pas beaucoup pour eux, elle ne sortait guère de la salle de son père, qui commençait à s’enrudir et qu’elle remplaçait souvent pour la leçon. Elle se montrait très rarement dans la rue, — et les femmes comme il faut ne pouvaient la voir que là, ou encore le dimanche à la messe ; mais, le dimanche à la messe, comme dans la rue, elle était presque aussi masquée que dans la salle de son père, la dentelle de son voile noir étant encore plus sombre et plus serrée que les mailles de son masque de fer. Y avait-il de l’affectation dans cette manière de se montrer ou de se cacher, qui excitait les imaginations curieuses ?… Cela était bien possible ; mais qui le savait ? qui pouvait le dire ? Et cette jeune fille, qui continuait le masque par le voile, n’était-elle pas encore plus impénétrable de caractère que