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d’Avice de Sortôville-en-Beaumont, déjà chevalier de Saint-Louis et capitaine de dragons avant la Révolution, — pour le moins, alors, septuagénaire, — boutonnait encore les jeunes gens et leur donnait ce qu’on appelle, en termes de salle, « de superbes capotes ». C’était un vieux narquois, qui avait des railleries en action féroces. Ainsi, par exemple, il aimait à passer son carrelet à la flamme d’une bougie, et quand il en avait, de cette façon, durci la lame, il appelait ce dur fleuret, — qui ne pliait plus et vous cassait le sternum ou les côtes, lorsqu’il vous touchait, — du nom insolent de « chasse-coquin ». Il prisait beaucoup La Pointe-au-corps, qu’il tutoyait. « La fille d’un homme comme toi — lui disait-il — ne doit se nommer que comme l’épée d’un preux. Appelons-la Haute-Claire ! » Et ce fut le nom qu’il lui donna. Le curé de V… fit bien un peu la grimace à ce nom inaccoutumé, que n’avaient jamais entendu les fonts de son église ; mais, comme le parrain était monsieur le comte d’Avice et qu’il y aura toujours, malgré les libéraux et leurs piailleries, des accointances indestructibles entre la noblesse et le clergé ; comme, d’un autre côté, on voit dans le calendrier romain une sainte nommée Claire, le nom de l’épée d’Olivier passa à l’enfant, sans que la ville de V… s’en émût beaucoup. Un