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« Je n’achevai pas… Ah ! ce fut le moment terrible ! Elle se cacha la tête et le visage sur mon épaule… mais je voyais le ton de feu de son cou, par derrière, et je la sentais frissonner. Le silence qu’elle avait opposé à son confesseur, elle me l’opposa. C’était un mur.

« — Il faut que ce soit quelqu’un bien au-dessous de toi, puisque tu as tant de honte ?… » — lui dis-je, pour la faire parler en la révoltant, car je la savais orgueilleuse.

« Mais c’était toujours le même silence, le même engloutissement de sa tête sur mon épaule. Cela dura un temps qui me parut infini, quand tout à coup elle me dit sans se soulever : « Jure-moi que tu me pardonneras, maman. »

« Je lui jurai tout ce qu’elle voulut, au risque d’être cent fois parjure ; je m’en souciais bien ! Je m’impatientais. Je bouillais… Il me semblait que mon front allait éclater et laisser échapper ma cervelle…

« — Eh bien ! c’est M. de Ravila, » fit-elle d’une voix basse ; et elle resta comme elle était dans mes bras.

« Ah ! l’effet de ce nom, Amédée ! Je recevais d’un seul coup, en plein cœur, la punition de la grande faute de ma vie ! Vous êtes, en fait de femmes, un homme si terrible, vous m’avez fait craindre de telles rivalités, que l’horrible