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brune de cheveux jusqu’au noir le plus jais, le plus miroir d’ébène que j’aie jamais vu reluire sur la voluptueuse convexité lustrée d’une tête de femme, mais elle était blonde de teint, — et c’est au teint et non aux cheveux qu’il faut juger si on est brune ou blonde, — ajouta le grand observateur, qui n’avait pas étudié les femmes seulement pour en faire des portraits. — C’était une blonde aux cheveux noirs… »

Toutes les têtes blondes de cette table, qui ne l’étaient, elles, que de cheveux, firent un mouvement imperceptible. Il était évident que pour elles l’intérêt de l’histoire diminuait déjà.

« Elle avait les cheveux de la Nuit, — reprit Ravila, — mais sur le visage de l’Aurore, car son visage resplendissait de cette fraîcheur incarnadine, éblouissante et rare, qui avait résisté à tout dans cette vie nocturne de Paris dont elle vivait depuis des années, et qui brûle tant de roses à la flamme de ses candélabres. Il semblait que les siennes s’y fussent seulement embrasées, tant sur ses joues et sur ses lèvres le carmin en était presque lumineux ! Leur double éclat s’accordait bien, du reste, avec le rubis qu’elle portait habituellement sur le front, car, dans ce temps-là, on se coiffait en ferronnière, ce qui faisait dans son visage, avec ses deux yeux incendiaires dont la flamme em-