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dans son génie des tortures, Dante lui-même, dans sa suppliciomanie, n’ont jamais rien imaginé de si épouvantable. J’en deviens monomane. Je me surprends dessinant à la plume la chambre où je commis mon crime ; j’écris au bas cette légende : Dans cette chambre, j’empoisonnai l’agent de change Thillard-Ducornet, et je signe. C’est ainsi que, dans mes heures de fièvre, j’ai détaillé sur mon journal à peu près mot pour mot tout ce que je vous ai raconté.

« Ce n’est pas tout. J’ai réussi à me soustraire au supplice dont les hommes châtient le meurtrier, et voilà que ce supplice se renouvelle pour moi presque chaque nuit. Je sens une main sur mon épaule et j’entends une voix qui murmure à mon oreille : « Assassin ! » Je suis mené devant des robes rouges ; une pâle figure se dresse devant moi et s’écrie : « Le voilà ! » C’est mon fils. Je nie. Mon dessin et mes propres mémoires me sont représentés avec ma signature. Vous le voyez, la réalité se mêle au songe et ajoute à mon épouvante. J’assiste enfin à toutes les péripéties d’un procès criminel. J’entends ma condamnation : « Oui, il est coupable. » On me conduit dans une salle obscure où viennent me joindre le bourreau et ses aides. Je veux fuir, des liens de fer m’arrêtent, et une voix me crie : « Il n’est plus pour toi de miséricorde ! » J’éprouve jusqu’à la sensation du froid des ciseaux sur mon cou. Un prêtre prie à mes côtés et m’invite parfois au repentir.