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m’absorbait entièrement. Après y avoir fait dissoudre le sucre et y avoir ajouté des rouelles de citron, j’y glissai quelques grains d’opium. Je versai le tout dans une bouilloire et l’approchai du feu. Le liquide ne tarda pas à s’échauffer. Thillard s’impatientait. Je lui présentai un verre du breuvage. A peine fut-il d’une chaleur supportable, qu’il l’avala d’un trait. Il m’en demanda aussitôt un second. En moins de quelques minutes, il but ainsi trois verres pleins. L’effet du narcotique fut rapide. Thillard, déjà harassé, fut saisi d’un besoin irrésistible de sommeil. Il se leva. « C’est singulier, » fit-il, « mes paupières se ferment malgré moi. ― Si vous voulez faire un somme sur le lit ? » lui dis-je d’une voix ferme. Il hésita : la saleté du lit lui causait de la répugnance. Mais la lassitude triompha bientôt de sa délicatesse. « Au moins, » dit-il en bâillant et en se frottant les yeux, « n’oubliez pas, coûte que coûte, de m’éveiller dans deux heures d’ici. Pour rien au monde je ne voudrais manquer la voiture. Vous m’accompagnerez. »

« Rosalie, dont j’entendais les dents claquer, arrangea le lit de son mieux. Thillard le recouvrit encore de son manteau et s’y étendit pour dormir tout de suite d’un lourd sommeil. Des aiguilles dans sa chair ne l’eussent certainement pas éveillé. Je saisis sur-le-champ mon autre fiole, celle où était le poison, j’en brisai le goulot, puis la serrai dans