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— Je suis prêt.

— Pourquoi Ba aime-t-il à lire Jules Verne ?

— Attends un peu.

— Réponds.

— Je donne ma langue aux caniches.

— Imbécile ! parce que Ba Lit Verne (Balivernes.)

Et nous continuâmes à discourir de ces sujets philosophiques et propos de haute science trois heures durant.


XIII.

UN POÈME ÉPIQUE.


— J’ai donc une confidence à le faire, dit Nepomucène.

— Dis-la.

— Je compose un poème épique.

— Bien long ?

— Soixante et quatre chants.

— Combien de vers ?

— Trente deux mille vers.

— Quel sujet ?

— La Ratepenade humaine.

— Hum ! Hum ! Oh ! Oh ! Sapristi ! Sac à papier ! Et ce poème contient sans doute de beaux passages ?

— J’y parle de l’abrutissement de mes compatriotes Canadiens-Français, de nos temps barbares, des nobles choses avilies. C’est sublime et vrai.

— Que prétends-tu en faire ?

— L’Université Laval, qui a donné la médaille d’or à des lauréats pour des poèmes médiocres, à plus forte raison devrait me donner ses trois médailles, car ce poème est des trois genres, supérieur, moyen et médiocre. Je ne le soumettrai pas à l’Université.

— Veux tu le vendre.

— Je roulerais sur l’or, j’irais en équipage, mais j’ai l’âme trop grande pour songer au vil métal.

— Que veux-tu donc en faire ?

— Je le destine au Canard.

— !  !  ! ¡ ¡ ¡ ?  ?  ? ¿ ¿ ¿ X. X. X. ;  ;. !  !  !


XIV

RÉFLEXIONS SUR LE POÈME DE NEPOMUCÈNE.


— Malheureux ! exclamai-je, infortuné jeune homme ! Je ne puis en entendre plus long, je me sauve.

— Attends un peu, j’aurai pitié de toi.

— Comment ?

— Je ne le lirai rien.

— À cette condition je reste ; j’en ai assez, des hommes de lettres qui me lisent leurs vers ou leur prose.