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provoquantes et exceptionnelles qui ont été données à des courtisanes et à des femmes de théâtre, comme engins à piper les cœurs. Il est expressément défendu à la Nature tout autant qu’à la modiste de lui imposer des parures propres à scandaliser les âmes naïves.

Ainsi La Jeune Fille Honnête aura les cheveux bruns ou d’un blond foncé ; les splendides tons roux dont Titien ensoleille ses crinières, le noir violet, le blond doré et sidéral de l’Ingénue de théâtre, n’ont pas le droit de décorer son front, car toutes ces insolentes richesses appartiennent aux désœuvrées qui suivent le régiment du capitaine Amour. Surtout, elle ne sera pas ornée par cet assemblage irritant qui invite aux voluptés mortelles : des cheveux blonds avec des sourcils noirs et des cils noirs.

Elle n’aura pas des yeux voyants, pas plus qu’une robe voyante ! Ses prunelles ne seront ni bleu céleste, ni vert de mer ; pas de fibrilles d’or non plus, ni de petites pierreries chatoyantes dans ses prunelles profondes et calmes.

Elle ne sera ni grande, ni petite, ni d’une taille moyenne, mais presque grande. Car, si une taille moyenne est essentiellement bourgeoise, d’un autre côté la petite taille semble destinée aux personnes qui veulent jouer l’emploi de mademoiselle Scriwaneck, ou à ces femmes à qui les démons inspirent la détestable idée d’imiter et de parodier en leurs mièvreries le langage ingénu des petits enfants. Et les jeunes filles grandes, aux bras superbes, ne font-elles pas songer à ces amazones qui poussent leurs quadriges impétueux sur le sable de M. Arnault aîné ?

Elle n’aura ni les pâleurs funéraires des dames que l’on peut caractériser par l’apposition d’un nom de fleurs, soucis ou pensées ; ni ce teint blanc et rougissant dont