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Celle qui a été saluée par un pauvre sans pouvoir lui faire l’aumône elle-même ;

Celle qui a lu un roman de Walter Scott, ou un volume des poésies d’Alfred de Musset, ou qui a aperçu la couverture d’un livre de Paul de Kock (même de loin et sans avoir eu aucune perception des caractères qui y étaient imprimés) ;

Celle devant qui on a nommé le théâtre du Palais-Royal ;

Celle devant qui deux personnes se sont tutoyées, fût-ce son père et sa mère, ou son frère et sa sœur ;

Celle devant qui un homme s’est montré tenant un cigare, même non allumé, fût-ce au bord de l’Océan ;

Celle qui a assisté à une soirée où des musiciens jouaient du flageolet ou du cornet à piston ;

Celle qui a brodé, pour une loterie, des pantoufles ou tout autre objet à l’usage d’un homme ;

Celle qui connaît, même de nom, le cold-cream, la poudre de fleur de riz à l’iris, la poudre rose à polir les ongles, et les peignes d’écaille blonde ;

Celle qui porte des robes de soie et des brodequins d’étoffe ailleurs que chez elle, et des mouchoirs bordés d’une dentelle ou d’une broderie plus large que le fond qu’elles entourent ;

Celle qui a parlé à un orfèvre ou à un lapidaire ;

Celle qui a prononcé dans le salon de sa mère une phrase aux périodes harmonieuses, ayant un commencement, un milieu et une fin ;

Enfin, celle qui sait « comment viennent les roses ; »

Peut être parfaitement honnête et parfaitement jeune, mais ce n’est pas elle qui est La Jeune Fille Honnête.

La Jeune Fille Honnête sera belle sans doute et parfaitement belle, mais elle n’aura jamais une de ces beautés