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pour moi des oncles. Le frère de mon père et les deux frères de ma mère, riches tous trois et chefs de nombreuses familles, sont morts tous trois dans l’Inde, après avoir vu tomber un à un tous leurs fils victimes du choléra, des inflammations et des bêtes féroces, Indiens et serpents, comme si, dès ma plus tendre jeunesse, une monstrueuse fatalité se fût donné la tâche de tout renverser sur mon passage pour me jeter des trésors inutiles.

Ces fortunes, que la faiblesse de mon père m’avait abandonnées dès l’enfance, je les avais dévorées à vingt ans avec tous les débauchés de Londres, sans qu’il m’en fût resté autre chose, à ma connaissance, qu’un petit mouchoir de cou en cotonnade bleue et un portrait de femme peint par Tassaert.

Trois mois plus tard, la mort de mon père me rendait maître d’un patrimoine inépuisable. Je l’épuisai pourtant, ou peu s’en fallut. Mes châteaux des comtés, grands comme des villes, mes maisons, mes palais, mes jardins, mes serres où de froides courtisanes se promenaient dans les moindres allées en calèches à huit chevaux, je donnai tout au Vice, au Luxe, à la Luxure, au Jeu, que je défiais avec la fureur d’un combattant vainqueur sans cesse !

Quand il ne me resta plus qu’un million, je le jetai à l’Industrie tant qu’elle voulut et comme elle voulut. Canaux, chemins de fer, constructions de squares et de fabriques, je m’intéressai à tout, et je me mis à vivre dans une chambre comme un étudiant, après avoir confié mon million à l’Industrie dans l’espoir qu’elle ne me rendrait rien. Elle me rendit cinquante millions !

Je ne me décourageai pourtant pas. L’Industrie m’avait trompé, c’est alors que j’essayai des femmes, continua