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pas faute de combattants ou faute d’appétit, mais parce que quelques-uns des combattants s’étaient décroché la mâchoire, l’amphitryon s’adressa à ses hôtes avec un sourire d’une aménité exquise :

— Mesdames et messieurs, leur dit-il, vous le savez comme moi, ce qui a tué les beaux-arts et l’élégance dans notre société moderne, c’est le lieu commun et le poncif qui, de jour en jour, nous envahissent davantage. De plus, tous les jeunes gens se jettent dans les mêmes professions, avocat, médecin ou économiste, avec une carrière politique au bout, et tout est dit. De là, ces générations entières taillées sur le même patron et qui semblent porter un uniforme. Riche comme je le suis, j’ai pensé qu’il me serait peut-être possible de rendre à mon époque un peu d’originalité en encourageant les professions excentriques, et naturellement, messieurs, j’ai cru pouvoir jeter les yeux sur vous, car je crois que personne ici n’est avocat ni médecin ?

— Personne ! s’écrièrent en chœur les convives.

— Messieurs, reprit vivement lord Sidney, vous êtes artistes en fait d’existence, comme d’autres sont artistes en mélodie, en statuaire ou en ciselure ; vous ne devez pas refuser plus qu’eux les encouragements de la Richesse ; car, vous le savez, en se donnant humblement aux artistes, la Richesse reste l’obligée et la servante des arts et ne fait qu’accomplir un devoir de reconnaissance. J’espère donc que vous ne refuserez pas un prix de dix mille francs.

— Nous ne le refuserons pas, dirent avec un enthousiasme unanime les messieurs en habit noir.

Lord Sidney reprit :

— Un prix de dix mille francs… de rente, que je désire offrir à celui d’entre vous qui exerce la profession la