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moment, mais, ce moment venu, il fallait bien que Minette les mit pour sortir. Quoi que la bonne sœur eût supposé, les paroles de l’enfant furent bien autrement navrantes.

— Oh ! la belle robe ! c’est pour moi ? s’écria-t-elle avec admiration. La pauvre petite ne savait pas ce que c’est que de porter le deuil ; jusqu’alors on l’avait affublée de si misérables haillons, que la vue d’une robe de mérinos noir, d’un col et d’un bonnet en crêpe noir ne l’attristait pas ! Elle ne s’était pas figuré qu’elle ne posséderait jamais, en dehors du théâtre, bien entendu, une aussi riche toilette ! Elle embrassa mille fois sœur Sainte-Thérèse en lui disant adieu, et celle-ci lui donna un petit crucifix de cuivre pareil à celui qu’elle portait elle-même à son chapelet.

— Ô ma chère fille, lui dit-elle en la serrant dans ses bras et en lui tendant l’image du Christ ; voilà le véritable talisman, le seul qui guérisse toutes les angoisses !

Une dernière fois encore, Minette tendit son front à la bonne sœur, et elle partit avec M. Lefèvre. Une demi-heure après, elle était de retour dans la maison où s’était écoulée sa triste enfance. Elle eut un serrement de cœur devant la porte du logement qu’elle avait habité avec ses parents, et demanda à M. Lefèvre la permission d’y entrer pour revoir les objets au milieu desquels elle avait vécu.

— Ma pauvre enfant, lui dit l’ouvrier, j’y consentirais bien volontiers, mais aucun de ces objets-là n’existe plus, pour toi du moins. À la mort de tes parents, il a fallu vendre leurs meubles pour payer les dettes qu’ils avaient laissées.

— Ah ! dit Minette avec l’accent d’un vif regret.

— Ma foi oui, continua Lefèvre, on a mis un écriteau,