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Afrique, officier de hussards et aide de camp d’un général. Capitaine battait et déchirait sa maîtresse sans obtenir un aveu ; et Adolphina, que rien n’engageait plus à ménager son tyran, ne se faisait pas faute de lui rendre coups pour coups. Minette avait beau se jeter entre eux et tendre ses mains suppliantes, son père ou sa mère la foulait aux pieds sans plus s’inquiéter d’elle que si elle n’avait pas existé, et, leurs visages saignants, leurs cheveux arrachés, continuaient leurs luttes de bêtes fauves. Le plus souvent Minette, évanouie d’effroi et d’horreur, se trouvait seule quand elle revenait à elle.

Éperdue, elle se levait en versant des torrents de larmes, et sentait mille pointes aiguës déchirer sa poitrine. Elle s’épongeait le visage avec de l’eau froide, rajustait sa pauvre toilette fripée, et moitié folle, courait au théâtre, où elle retrouvait pour quelques heures sa vie d’enchantements, la musique, les lumières, et les poëmes animés, dont le héros était toujours celui dont la seule vue la faisait trembler de bonheur, et madame Paul son bon génie ! Mais ces alternatives de terreur et de plaisir la laissaient brisée, sans souvenirs et sans force. L’harmonieuse pâleur d’une mort prochaine glaçait ses joues amaigries, ses prunelles s’éclairaient d’une flamme intérieure, et, comme une auréole, ses fins cheveux blonds frissonnaient dans une transparente lumière. Tout le monde le voyait, une année plus tard, cette douce enfant aurait fini de souffrir, et croisant ses mains délicates sur sa poitrine enfin apaisée, dormirait d’un calme sommeil.

Mais les cruels événements de sa vie n’étaient pas finis là. Voici le terrible drame auquel assistèrent un matin les locataires qui habitaient la rue de la Tour.

Après un tumulte épouvantable qui dura une demi-