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tres couloirs encore, arriva enfin à une antichambre meublée de quelques mauvaises banquettes et dit à une espèce d’huissier :

— Il m’attend, dis-lui que c’est moi.

— Dans un instant, répondit le domestique ; madame Paul est avec lui ; ils n’en ont pas pour cinq minutes.

En effet, moins de cinq minutes après, Minette ouvrit de grands yeux en voyant passer devant elle une femme élégamment parée qui lui représenta les fées et les princesses dont elle lisait tous les jours l’histoire ; puis sa mère et elle furent introduites dans le cabinet du directeur.

— Ah ! dit celui-ci à Adolphina, tu ne m’as pas trompé, l’enfant est très-jolie ! Ah çà, comment diable as-tu fait pour être la mère d’un bijou pareil ? Tu dis qu’elle sait lire ?

— Comme toi et moi.

— Eh bien ! dis-lui qu’elle me lise quelques lignes, à haute voix, et bien lentement.

L’enfant, tout interdite, ne bougeait pas.

— Tu n’entends donc pas, petite mendiante, petite misérable ! lui cria sa mère en la frappant violemment sur l’épaule.

— Oh ! fit le directeur, je vois qu’elle a été bien élevée.

Minette ouvrit son livre et se mit à lire le conte de Gracieuse et Percinet, mais avec tant d’âme et d’intelligence, car ce beau récit était pour elle une histoire vraie, avec une voix si délicieusement sympathique et suave, que le directeur charmé prêtait l’oreille comme à une musique ! Sans doute il n’eût pas songé de longtemps à interrompre la petite fille dont il contemplait la tête blonde et mélancolique avec le plaisir qu’on éprouve à