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glantes. Attentive à chaque bruit, craignant d’être surprise, mais décidée à fuir, le front baigné dans le matin rose, elle dit à sa maison un dédaigneux adieu, et rassemble à la hâte des bijoux barbares. Certes, ce n’est pas là une figure grecque, copiée sur les bas-reliefs du Parthénon, et cependant c’est Hélène, et non une autre, car, quelle autre que celle-ci, éclatante comme le soleil et terrible comme une armée rangée en bataille, appelle d’une lèvre avide, attend comme une chose due, aspire d’une haleine embaumée de myrrhe les adorations de toutes les générations d’hommes ? Oh ! sa lèvre qui est pareille à un ruban d’écarlate ! sa tête couronnée d’un or très-pur ! quand nos lois, nos histoires, quand les vains monuments de notre poésie s’en seront allés à l’oubli et à la poussière, quand notre civilisation aura fait place à d’autres, des savants encore, dans des villes dont nul aujourd’hui ne peut deviner le nom, cacheront leur tête dans leurs mains brûlantes, dévorés d’amour pour la gloire impérissable d’Hélène ! Et cette amante de tous les siècles, cette reine que rien ne détrône, brillante de jeunesse, entourée de fleuves de sang, je la voyais sous mes yeux, vivante, évoquée par la toute-puissance d’un magicien qui, d’un vol effréné, a plongé dans le gouffre du temps pour en rapporter cette proie adorable ! Je la voyais, et près d’elle, également jeunes, belles et féroces, Dorimène et la fille d’Hérodiade. Dorimène la plus cruelle des créatures impitoyables enfantées par le doux Molière ; Dorimène, vêtue de satin fleuri, de pourpre et de métaux, étalant ses perles, ses dentelles, ses rubans d’or, portant sa tête comme une fleur, et laissant tomber ces paroles, dont l’écho ne s’arrêtera plus jamais tant que durera l’épouvantable représentation de la comédie humaine. « Adieu ; il me tarde déjà que je n’aie des habits