Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

robé une beauté presque surhumaine aux chefs-d’œuvre parmi lesquels il a été élevé et qui deviendra certainement un peintre, car il a su se nourrir de la moelle des lions, et vivre en communion de tous les instants avec Rembrandt, Léonard de Vinci et Rubens lui-même, sans laisser altérer jamais par la lèpre de l’imitation son originalité native. Rodrigue Silveira comprit tout de suite et à demi-mot que je désirais voir uniquement les trois tableaux annoncés par Vandevelle, et ces trois tableaux, Hélène, Dorimène, la Fille d’Hérodiade, il me les laissa examiner comme je le voulus et autant que je le voulus, admirable condescendance de la part d’un homme qui avait le droit de me faire subir tant de notices ! Inutile de dire que du premier coup d’œil j’avais reconnu dans les trois tableaux la tête si ardemment admirée chez Vandevelle, l’adorable tête d’enfant, mais trois fois embellie, transfigurée par la passion intérieure, et portant avec une joie sérieuse la fulgurante immortalité du chef-d’œuvre qui vivra autant que la race des hommes.

Hélène ! Hélène ! la Vénus terrestre sans cesse rajeunie dans un flot d’éternité ! la fiancée inviolée de toutes les nobles âmes, l’amante de Faustus bien avant cette vulgaire Gretchen qui ne sut que mourir ! Hélène, la vivante divinité attendue par ce grand Ange de la Renaissance, qu’Albert Durer condamne, elle absente, aux affres du découragement et au supplice de l’immobilité farouche ! Hélène ! Hélène ! elle vivait là, sur cette toile éclairée par la lumière du génie, mais jeune, mais vierge, échevelée, sauvage, enfant comme Juliette, telle que le géant Amour la regardait lui-même avec épouvante, lorsqu’elle allait fuir le palais de son père avec Thésée, le tueur de brigands, fière d’appuyer sa tête sur la large poitrine du héros et de baiser ses mains san-