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semble l’âme de la ville elle-même célébrant les ivresses de la Force et de la Souveraineté.

Tout Paris est aux pieds d’Hébé Caristi ; mais ne lui parlez pas d’adorations, ne lui parlez pas d’amours. Ses amours, ce sont ces luttes insensées et superbes avec l’infini et avec le vertige ; c’est ce duel si éclatant avec la mort, pendant lequel elle regarde les yeux mêmes des astres et baise le front humide de la Nuit. Comme le lui disait la sorcière de Belgrade, Hébé porte sous son beau sein un cœur de glace. Ses passions, ses délires, ce sont les féeries au milieu desquelles elle proclame, à la hauteur où volent les aigles, le bulletin de nos dernières batailles. À la fête républicaine où la garde-consulaire, qui a marché depuis Marengo, arrive couverte de poussière et les vêtements en lambeaux, à la fête donnée pour célébrer la paix générale, à celle des drapeaux d’Austerlitz, je la revois jeune et svelte dans les flammes écarlates ; au mariage de l’Empereur et à la naissance du Roi de Rome, c’est elle encore dont la silhouette aérienne domine les Champs-Élysées affolés de foule et de lumière.

Jugez si les merveilleux d’alors durent se désespérer pour l’invincible froideur de cette Galatée qui avait eu toutes les gloires ! Oui, toutes les gloires, y compris celle d’avoir été comparée à un repas complet en une ingénieuse et interminable métaphore ! Elle s’était montrée aux Jeux Gymniques dans un intermède de La Reine de Persépolis, et elle avait contre-balancé le succès inouï des Ruines de Babylone ! Pendant huit jours, le Corneille de la Gaîté avait été jaloux des succès de la funambule. Le Colisée, le Vauxhall, la Redoute, les Soirées-Amusantes du boulevard, le spectacle de Pierre, le Cosmorama et le Panharmonico-Metallicon, tous les théâtres étaient aban