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comme les rues et comme les monuments ; car des Parisiens, qui sont là présents, se souviennent parfaitement de l’avoir vue, et saluée et courtisée à la première représentation des Burgraves, le 7 mars 1843 ! On sait que les mariés bizarres ont été invités à ce bal, et qu’ils ont accepté l’invitation, et qu’ils vont venir, et vous pensez si l’on attend leur entrée avec une impatience frémissante.

Ils paraissent enfin. Ô déception, ô surprise, ô triomphe de l’impossible et du surnaturel ! Sont-ce des perruques, des étoffes, des cosmétiques et le génie du couturier qui ont pu réaliser un tel fabuleux miracle, et transmuer ainsi une Parque en nymphe Salmacis ? Non, il ne faut rien vouloir expliquer par des raisons si simples et élémentaires ! Mince, frêle, toute petite, une de ces tailles du dix-huitième siècle que Richelieu tenait entre ses dix doigts, un visage enfantin, éveillé et fûté, aux petits traits délicats et voluptueux, des joues plutôt blanches et rouges que roses, de petits yeux de feu, un nez tapageur, des lèvres arquées, une oreille de néréide, une chevelure (ou une perruque : mais qu’importe !) du blond les plus séduisant et folâtre, telle est cette troublante merveille ; et avec ses vingt-cinq ans et sa soyeuse barbe noire, Fonfride n’est que tout juste assez beau garçon pour ne pas paraître laid à côté de son adorable femme.

Bien vite et en moins de rien, tous les hommes nobles, riches, illustres, célèbres à un titre quelconque se sont