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un moment chez moi, vers une heure, quand je rentrerai.

— De chez votre maîtresse ! dit Juliette.

— Et pourquoi pas ? dit philosophiquement le marquis Joseph. Ah ! vois-tu, mon enfant, ces drôlesses de grand style font terriblement leurs embarras, et en les quittant, c’est une vraie joie de trouver à point une fille aimable, naturelle, et qui sent la fraise des bois ! »

En parlant ainsi, le marquis, spirituel à ses heures, rentre chez lui, après avoir glissé à Juliette un petit portefeuille en cuir de Russie très gonflé, que la soubrette fait prestement disparaître. Aussitôt sort, on ne sait de quelle cachette d’ombre, le cocher Félix, rouge, insolent, superbe, coiffé de sa toque écossaise, et qui a tout l’air de vouloir chercher une mauvaise querelle.

— « Diantre ! murmure-t-il en tournant sa bouche de côté, il me semble que monsieur le marquis vous en dégoise bien long !

— Monsieur Félix, lorsqu’on a, comme vous, de grande ambitions, et qu’on veut s’établir carrossier à Decize, il ne faut pas chercher des poux par la paille, ni demander avec quoi le cuisinier fait sa cuisine ! Vous serez sans doute assez heureux d’avoir une bonne femme qui saura tenir la maison et recevoir les clients, et à qui on ne fera pas prendre des vessies pour de la lumière électrique !

— Méchante ! Un baiser du moins ?

— Après la noce, » dit mademoiselle Juliette, qui chasse à temps son mari futur, car au même moment