Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
histoire de la ballade

Il n’est pas jusqu’à « mot » lui-même qui n’ait eu temporairement, il est vrai, le même sens, au témoignage d’Huet, évêque d’Avranches, dans ses Dissertations : — « Mot et son, dit-il, signifiaient autrefois la parole et le chant dont était composée la chanson ; mot a depuis passé au chant, témoin motet… »

On sait par trop d’exemples que les anciens rhythmes, devenus plus tard purement littéraires, se chantaient primitivement. Gérard de Nerval a déjà relevé le passage du Roman comique, où une servante d’auberge chante en lavant sa vaisselle une Ode du « vieux Ronsard ». Colletet, dans son Art poétique, cite un Sonnet d’Ollivier de Magny dont « toute la cour du roy Henry second fist tant d’estime, que tous les musiciens de son tems, jusqu’à Rolland de Lassus, travaillèrent à le mettre en musique, et le chantèrent mille fois avec un grand applaudissement du Roy et des princes. »

Saint-Amand, dans le petit traité historique qui précède les Nobles Triolets, opine que ce nom leur a été donné autant parce qu’ils se chantaient à trois (en trio), selon la vieille mode du théâtre, qu’à cause du vers qui s’y répète trois fois.

Y eût-il de l’équivoque sur ce point au sujet du Triolet, ou du Sonnet même, il ne saurait y en avoir pour la Ballade dont le nom dénonce trop clairement l’origine : ballets, danses.