Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
le sang de la coupe

Enfin je suis venue, apportant la lumière.
Un soir… ô grande voix du peuple ! ô souvenir
Toujours éblouissant de ma grandeur première,
Que se rappelleront les peuples à venir !

Regardez, c’est l’Espagne amoureuse ! Quelle âme
À tant de passion oppose la vertu ?
Toi qui mets tes deux mains sur ton sein plein de flamme
Pour garder avant tout l’honneur, qui donc es-tu ?

Quel heureux charme a pris cette salle étonnée !
D’où venez-vous, effroi, pitié, vous, tendres pleurs,
Émotion ? Le Cid a paru, je suis née !
Le ciel s’ouvre, battez des mains, jetez des fleurs !

Au gré de mon poëte, espagnole et romaine,
J’éveille les guerriers de leur sommeil jaloux.
Je m’appelle Camille, Émilie et Chimène :
Famille de héros, nous voici, levez-vous !

Rodrigue, ta maison veut un fils digne d’elle !
Ton cœur saigne ; qu’importe, ô soldat sans effroi ?
Qu’il saigne, et sers d’un cœur également fidèle
Ton père et ton pays, ta maîtresse et ton roi !

Toi, Rome te regarde, immole-lui ta race !
Va combattre ton frère ! et toi, vieil empereur,
Efface pour jamais la victoire d’Horace,
Aux pieds de la clémence immole ta fureur !