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d’une de ces reines coûtait plus que du sang. Diantre ! ma cousine aura sans doute aussi son Maxime.

Il monta le perron la mort dans l’âme. A son aspect la porte vitrée s’ouvrit ; il trouva les valets sérieux comme des ânes qu’on étrille. La fête à laquelle il avait assisté s’était donnée dans les grands appartements de réception, situés au rez-de-chaussée de l’hôtel de Beauséant. N’ayant pas eu le temps, entre l’invitation et le bal, de faire une visite à sa cousine, il n’avait donc pas encore pénétré dans les appartements de madame de Beauséant ; il allait donc voir pour la première fois les merveilles de cette élégance personnelle qui trahit l’âme et les mœurs d’une femme de distinction. Étude d’autant plus curieuse que le salon de madame de Restaud lui fournissait un terme de comparaison. A quatre heures et demie la vicomtesse était visible. Cinq minutes plus tôt, elle n’eût pas reçu son cousin. Eugène, qui ne savait rien des diverses étiquettes parisiennes, fut conduit par un grand escalier plein de fleurs, blanc de ton, à rampe dorée, à tapis rouge, chez madame de Beauséant, dont il ignorait la biographie verbale, une de ces changeantes histoires qui se content tous les soirs d’oreille à oreille dans les salons de Paris.

La vicomtesse était liée depuis trois ans avec un des plus célèbres et des plus riches seigneurs portugais, le marquis d’Ajuda-Pinto. C’était une de ces liaisons innocentes qui ont tant d’attraits pour les personnes ainsi liées, qu’elles ne peuvent supporter personne en tiers. Aussi le vicomte de Beauséant avait-il donné lui-même l’exemple au public en respectant, bon gré, mal gré, cette union morganatique. Les personnes qui, dans les pre-