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jeune personne sont allées manger le bon Dieu à Saint-Étienne dès huit heures. Le père Goriot est sorti avec un paquet. L’étudiant ne reviendra qu’après son cours, à dix heures. Je les ai vus partir en faisant mes escaliers, que le père Goriot m’a donné un coup avec ce qu’il portait, qu’était dur comme du fer. Qué qui fait donc, ce bonhomme-là ? Les autres le font aller comme une toupie, mais c’est un brave homme tout de même, et qui vaut mieux qu’eux tous. Il ne donne pas grand’chose ; mais les dames chez lesquelles il m’envoie quelquefois allongent de fameux pourboires, et sont joliment ficelées.

— Celles qu’il appelle ses filles, hein ? Elles sont une douzaine.

— Je ne suis jamais allé que chez deux, les mêmes qui sont venues ici.

— Voilà madame qui se remue ; elle va faire son sabbat : faut que j’y aille. Vous veillerez au lait, Christophe, rapport au chat.

Sylvie monta chez sa maîtresse.

— Comment ! Sylvie, voilà dix heures quart moins, vous m’avez laissée dormir comme une marmotte ! Jamais pareille chose n’est arrivée.

— C’est le brouillard, qu’est à couper au couteau.

— Mais le déjeuner ?

— Bah ! vos pensionnaires avaient bien le diable au corps ; ils ont tous décanillé dès le patron-jacquette.

— Parle donc bien, Sylvie, reprit madame Vauquer : on dit le patron-minette.

— Ah ! madame, je dirai comme vous voudrez. Tant y a que vous pouvez déjeuner à dix heures. La Michonnette