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— Qu’a-t-il ? demanda Rastignac.

— À moins que je ne me trompe, il est flambé ! Il a dû se passer quelque chose d’extraordinaire en lui, il me semble être sous le poids d’une apoplexie séreuse imminente. Quoique le bas de la figure soit assez calme, les traits supérieurs du visage se tirent vers le front malgré lui, vois ! Puis les yeux sont dans l’état particulier qui dénote l’invasion du sérum dans le cerveau. Ne dirait-on pas qu’ils sont pleins d’une poussière fine ? Demain matin j’en saurai davantage.

— Y aurait-il quelque remède ?

— Aucun. Peut-être pourra-t-on retarder sa mort si l’on trouve les moyens de déterminer une réaction vers les extrémités, vers les jambes ; mais si demain soir les symptômes ne cessent pas, le pauvre bonhomme est perdu. Sais-tu par quel événement la maladie a été causée ? il a dû recevoir un coup violent sous lequel son moral aura succombé.

— Oui, dit Rastignac en se rappelant que les deux filles avaient battu sans relâche sur le cœur de leur père.

— Au moins, se disait Eugène, Delphine aime son père, elle !

Le soir, aux Italiens, Rastignac prit quelques précautions afin de ne pas trop alarmer madame de Nucingen.

— N’ayez pas d’inquiétude, répondit-elle aux premiers mots que lui dit Eugène, mon père est fort. Seulement, ce matin, nous l’avons un peu secoué. Nos fortunes sont en question, songez-vous à l’étendue de ce malheur ? Je ne vivrais pas si votre affection ne me rendait pas insensible à ce que j’aurais regardé naguère comme des an-