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se renversa sur le dos de son fauteuil, accablée par ce terrible pronostic.

Vers midi, heure à laquelle les facteurs arrivaient dans le quartier du Panthéon, Eugène reçut une lettre élégamment enveloppée, cachetée aux armes de Beauséant. Elle contenait une invitation adressée à M. et à madame de Nucingen pour le grand bal annoncé depuis un mois, et qui devait avoir lieu chez la vicomtesse. À cette invitation était joint un petit mot pour Eugène :

« J’ai pensé, monsieur, que vous vous chargeriez avec plaisir d’être l’interprète de mes sentiments auprès de madame de Nucingen ; je vous envoie l’invitation que vous m’avez demandée, et serai charmée de faire la connaissance de la sœur de madame de Restaud. Amenez-moi donc cette jolie personne, et faites en sorte qu’elle ne prenne pas toute votre affection, vous m’en devez beaucoup en retour de celle que je vous porte.

 » Vicomtesse de beauséant. »

— Mais, se dit Eugène en relisant ce billet, madame de Beauséant me dit assez clairement qu’elle ne veut pas du baron de Nucingen.

Il alla promptement chez Delphine, heureux d’avoir à lui procurer une joie dont il recevrait sans doute le prix. Madame de Nucingen était au bain. Rastignac attendit dans le boudoir, en butte aux impatiences naturelles à un jeune homme ardent et pressé de prendre possession d’une maîtresse, l’objet d’une année de désirs. C’est des émotions qui ne se rencontrent pas deux fois dans la vie des jeunes