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Restaud et ne fut pas reçu. Trois fois, il y retourna, trois fois encore il trouva la porte close, quoiqu’il se présentât à des heures où le comte Maxime de Trailles n’y était pas. La vicomtesse avait eu raison. L’étudiant n’étudia plus. Il allait aux cours pour y répondre à l’appel, et quand il avait attesté sa présence, il décampait. Il s’était fait le raisonnement que se font la plupart des étudiants. Il réservait ses études pour le moment où il s’agirait de passer ses examens ; il avait résolu d’entasser ses inscriptions de seconde et de troisième année, puis d’apprendre le droit sérieusement et d’un seul coup au dernier moment. Il avait ainsi quinze mois de loisirs pour naviguer sur l’océan de Paris, pour s’y livrer à la traite des femmes, ou y pêcher la fortune. Pendant cette semaine, il vit deux fois madame de Beauséant, chez laquelle il n’allait qu’au moment où sortait la voiture du marquis d’Ajuda. Pour quelques jours encore cette illustre femme, la plus poétique figure du faubourg Saint-Germain, resta victorieuse, et fit suspendre le mariage de mademoiselle de Rochefide avec le marquis d’Ajuda-Pinto. Mais ces derniers jours, que la crainte de perdre son bonheur rendit les plus ardents de tous, devaient précipiter la catastrophe. Le marquis d’Ajuda, de concert avec les Rochefide, avait regardé cette brouille et ce raccommodement comme une circonstance heureuse : ils espéraient que madame de Beauséant s’accoutumerait à l’idée de ce mariage et finirait par sacrifier ses matinées à un avenir prévu dans la vie des hommes. Malgré les plus saintes promesses renouvelées chaque jour, monsieur d’Ajuda jouait donc la comédie, la vicomtesse aimait à être trompée. « Au lieu de sauter