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trer dans ce labyrinthe. Ne le compromettez pas, dit-elle en recourbant son cou et jetant un regard de reine à l’étudiant, rendez-le-moi blanc. Allez, laissez-moi. Nous autres femmes, nous avons aussi nos batailles à livrer.

— S’il vous fallait un homme de bonne volonté pour aller mettre le feu à une mine ? dit Eugène en l’interrompant.

— Eh bien ? dit-elle.

Il se frappa le cœur, sourit au sourire de sa cousine, et sortit. Il était cinq heures. Eugène avait faim, il craignit de ne pas arriver à temps pour l’heure du dîner. Cette crainte lui fit sentir le bonheur d’être rapidement emporté dans Paris. Ce plaisir purement machinal le laissa tout entier aux pensées qui l’assaillaient. Lorsqu’un jeune homme de son âge est atteint par le mépris, il s’emporte, il enrage, il menace du poing la société entière, il veut se venger et doute aussi de lui-même. Rastignac était en ce moment accablé par ces mots : Vous vous êtes fermé la porte de la comtesse.

— J’irai ! se dit-il, et si madame de Beauséant a raison, si je suis consigné… je… Madame de Restaud me trouvera dans tous les salons où elle va. J’apprendrai à faire des armes, à tirer le pistolet, je lui tuerai son Maxime !

« Et de l’argent ! lui criait sa conscience, où donc en prendras-tu ? »

Tout à coup la richesse étalée chez la comtesse de Restaud brilla devant ses yeux. Il avait vu là le luxe dont une demoiselle Goriot devait être amoureuse, des dorures, des objets de prix en évidence, le luxe inintelligent du par-