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CONTES DROLATIQUES.

cuydoyent mariez de la veille, que chascune des nuicts estoyt une nuict de nopces, et que si, pour aller veoir à ung soing dehors, le vicomte s’esloingnoyt de sa femme, il estoyt mélancholicque, ne pouvant la perdre de veue, ne elle non plus luy. Le Roy qui aymoyt moult le vicomte, luy dit aussy ung mot qui luy demoura comme espine au cueur, en luy disant : « Tu ne has poinct d’enfans ? » A quoi Beaumont respondit en homme sur la playe duquel on boutoyt le doigt : « Monseigneur, mon frère en ha ; par ainsy, nostre lignaige est affermy. » Ores, il advint que les deux enfans de son frère moururent de male mort, l’ung à ung tournoy par chute de cheval, et l’aultre de maladie. Monsieur de l’Isle-Adam conceut telle douleur de ces deux morts, que il périt de ce, tant il aymoyt ses deux fils. Par ainsy, le vicomté de Beaumont, les acquests de Carenelle, de Sainct-Martin, de Nointel et les domaines à l’entour feurent réunis à la seigneurie de l’Isle-Adam, aux forests voisines, et le cadet devint chief de maison. En cettuy temps, Madame comptoyt quarante-cinq ans d’aage, et estoyt tousiours idoyne à faire enfans, tant bonne estoyt sa membreure ; ains elle ne concepvoyt point. Alors que elle veit le lignaige de l’Isle-Adam finé, elle se iacta de produire une lignée. Ores, comme depuis sept années escheues elle n’avoyt oncques eu le plus legier soupçon d’enfantement, elle cuyda, d’après l’advis d’un saige physician que elle manda de Paris et feit venir capiettement, que ceste non-fécundation provenoyt de ce que tous deux elle et son espoux, tousiours plus amans que espoux, prenoyent tant de ioye au déduict, que l’engendreure en estoyt empeschiée. Adoncques durant ung temps, elle s’appliqua, la bonne femme, à demourer calme comme une galline sous le cocq, pour ce que le physician luy avoyt remonstré que, dans l’estat de nature, oncques ne failloyent les bestes à produire, veu que les femelles ne usoyent d’aulcuns artifices, ne mignotteries, ne lesbinaiges et mille fassons avecques lesquelles les femmes accommodoyent les olives de Poissy ; et pour ce feit-elle, estoyent à bon tiltre dictes bestes ; ains elle feit promesse de ne plus iouer avecques sa chière branche coralline, et mettre en oubly toutes les confictureries que elle avoyt enginiées. Las ! encores que elle se tinst saigement estendue comme ceste Allemande, laquelle feust cause par sa coite alleure que son espoux la chevaulchia morte, et alla, le paouvre baron, demander l’absolution de ce cas au Pape, qui rendit son célèbre bref où il prioyt les dames de Franconie de se