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LA FORTUNE EST TOUSIOURS FEMELLE.

ouye. Parole moult plaisante et rieuse, pour ce que les physicians et maistres myres usent de paroles byssines avecques les dames, et, en traictant cette lumineuse fleur, florissent leurs mots. Ceste veue feit le Roy quinauld comme ung renard prins au piège. La Royne se dressa toute rouge de honte, criant quel homme estoyt assez osé pour venir à ceste heure ; ains, voyant le Roy, elle tint ce languaige :

— Ha ! mon sieur, vous descouvrez ce que ie avoys cure de vous cacher, feit-elle, à sçavoir, que ie suis si petitement servie par vous, que ie suis affligée d’ung ardent mal duquel ie n’ose me plaindre par dignité, ains qui veult de secrets pansements à ceste fin d’estaindre la vive affluence des esperits vitaulx. Pour saulver mon honneur et le vostre, ie suis contraincte à venir chez ma bonne dona Miraflor qui se preste à mes douleurs.

Sur ce, le myre feit à Leufroy une concion lardée de citations latines, triées comme graines prétieuses dans Hippocrate, Galien, l’eschole de Salerne et aultres, en laquelle il luy démonstra combien grave estoyt chez la femme la iachère du champ de Vénus, et que il y avoyt dangier de mort pour les roynes complexionnées à l’hespaignole, lesquelles avoyent le sang trez amoureux. Il déduisit ces raisons avec solemnité, tenant sa barbe droite et sa langue trez longue à ceste fin de laisser au sire de Montsoreau le loisir de gaigner son lict. Puis la Royne print ce texte pour desgluber au Roy des discours longs d’une palme, et requit son bras, soubz prétexte de laisser la paouvre malade, qui d’ordinaire la reconduisoyt pour éviter les calumnies. Alors que ils feurent dans la gallerie où le sire de Montsoreau logioyt, la Royne dit en iocquetant : — Vous debvriez iouer quelque bon tour à ce Françoys, qui, ie gaige, est sans doubte aulcun avecques une dame et non chez luy. Toutes celles de la Court en raffolent, et il y aura des castilles pour luy. Si vous aviez suyvy mon advis, il eust esté hors la Sicile.

Leufroid entra soubdain chez Gauttier, qu’il treuva dedans ung profund sommeil, et ronflant comme ung religieux au chœur. La Royne revint avecques le Roy, que elle tint chez elle, et dit ung mot à ung guarde pour mander le seigneur de qui Pezare occupoyt la place. Ores, pendant que elle amignottoyt le Roy en desieunant avecques luy, elle print à part ce seigneur quand il feut venu en la salle voisine.

— Élevez une potence sur un bastion, dit-elle ; allez saisir