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CONTES DROLATIQUES.

ceste trahison. Ains le Roy avoyt ià l’œil au mauldict trou. Leufroid veit, quoi ? ceste belle et divine lanterne qui brusle tant d’huile et esclaire le monde, lanterne aornée des plus magnificques fanfreluches et trez flambante, laquelle il treuva plus plaisante que toutes les aultres, pour ce que il l’avoyt si bien perdue de veue, que elle luy parut neufve ; ains le trou luy deffendit veoir aultre chouse qu’une main d’homme qui cloistroyt pudicquement ceste lanterne, et entendit la voix de Montsoreau disant : « Comment va ce mignon ce matin ? » Paroles folastres, comme en disent les amans en iocquetant, pour ce que ceste lanterne est, vère, en tous pays, le soleil de l’amour, et pour ce luy donnent mille noms gentils en l’équiparant aux plus belles chouses, comme ma grenade, ma rose, ma coquille, mon hérisson, mon golphe d’amour, mon threzor, mon maistre, mon petiot ; aulcuns osent dire trez hereticquement : mon dieu ! Informez-vous à plusieurs si vous ne croyez.

— En ceste coniuncture, la dame feit entendre par ung signe que le Roy estoyt là.

— Escoute-t-il ? feit la Royne.

— Oui.

— Veoit-il ?

— Oui.

— Qui l’a conduict ?

— Pezare.

— Fais monter le myre et musse Gauttier chez luy, feit la Royne.

Durant le temps que ung paouvre auroyt dict sa chanson, la Royne embobelina la lanterne de linges et enduicts coulourez, en sorte que vous eussiez cuydé que il y eust playe horrible et griefves inflammations. Lors que le Roy, mis en raige par ceste parole, effondra la porte, il treuva la Royne estendue sur le lict au mesme endroict où il l’avoyt veue par le trou, puis le maistre myre, le nez et la main dessus la lanterne embobelinée de bandettes, disant : « Comment va ce mignon, ce matin ? » en mesme note de voix que le bon Roy avoyt