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LA FORTUNE EST TOUSIOURS FEMELLE.

luy descouvrant comment se parfiloyt le bonheur de la Royne, ne doubtant point que Leufroid ne commençast par trencher la teste au sire de Montsoreau, suyvant une praticque en usaige dedans la Sicile pour ces procez. Par ainsy bon Pezare auroyt tous les deniers que Gauttier et luy convoyoyent sans bruit en la maison d’ung Lombard de Gesnes, lesquels deniers estoyent en commun par suyte de leur fraternité. Ce threzor grossissoyt moult d’ung costé par les présens de la Royne, trez magnificque avec le sire de Montsoreau, ayant à elle de grans domaines en Hespaigne et aulcuns par héritaige en Italie, de l’aultre par les guerdons du Roy à son bon ministre, auquel il bailloyt aulcuns droicts sur les merchans et aultres menus suffraiges. Le traistre amy délibéré d’estre feslon, eut cure de bien viser ce garrot au cueur de Gauttier, pour ce que le Tourangeau estoyt ung homme à vendre le plus fin. Doncques en une nuict où Pezare sçavoyt la Royne couchiée avecques son amant, lequel l’aymoyt comme si chaque nuictée feust une prime nuict de nopces, tant elle estoyt habile au déduict, le traistre promit au Roy luy faire veoir l’évidence du cas par ung trou mesnaigié dans ung huys de la guarde-robe de la dame hespaignole, laquelle faisoyt estat d’estre tousiours en dangier de mourir. Pour mieulx y veoir, Pezare attendit le lever du soleil. La dame hespaignole, laquelle avoyt bon pied, bon œil et bouche à sentir le mors, escouta des pas, tendit son museau, et veit le Roy, suyvy du Venitien, par ung croisillon du bouge où elle dormoyt durant les nuicts que la Royne avoyt son amy entre deux toiles, ce qui est la meilleure méthode d’avoir ung amy. Elle accourut advertir le couple de