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CONTES DROLATIQUES.

son fourraige, et cognoistre les fassons de chevaulchier de tout pays. Voyant quel train menoyt Leufroid, le sire de Montsoreau, seur que nul en ceste Court n’avoyt eu le cueur d’esclairer ceste Royne, se délibéra planter de prime volte sa hampe dedans le champ de la belle Hespaignole par ung maistre coup. Vécy comme. Au souper, pour faire la courtoisie au chevalier estrange, le Roy eut cure de le placer auprès de la Royne, à laquelle preux Gauttier bailla le poing pour aller en la salle, et la mena trez esraument pour prendre du champ sur ceulx qui suyvoyent, à ceste fin de luy dire en prime abord ung mot des matières qui plaisent tousiours aux dames, en quelque condition que elles soyent. Imaginez quel feut ce proupos et combien il alloyt roide à travers les choux dedans le buisson ardent de l’amour.

— Je sçays, madame la Royne, la raison pour laquelle blesmit vostre tainct.

— Quelle ? feit-elle.

— Vous estes si belle à chevaulchier, que le Roy vous chevaulche nuict et iour : par ainsy, vous abusez de vos advantaiges, car il mourra d’amour.

— Que doibs-ie faire pour le maintenir en vie ? feit la Royne.

— Luy deffendre l’adoration de vostre autel au delà de trois Oremus par iour.

— Vous voulez rire selon la méthode françoyse, sire chevalier, veu que le Roy me ha dict que le plus de ces oraisons estoyt ung simple Pater par sepmaine soubz poine de mort.