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SUR LE MOYNE AMADOR
QUI FEUT UNG GLORIEUX ABBÉ DE TURPENAY



Par ung iour de fine pluye, temps auquel les dames demourent ioyeulses au logiz, pour ce qu’elles ayment l’humide et voyent lors près de leurs iuppes les hommes que elles ne haïent point, la Royne estoyt en sa chambre au chastel d’Amboise, sous les drapeaux de la croisée. Là, sise en sa chaire, laboroyt ung tapis par amusement, mais tiroyt son esguille à l’estourdie, resguardoyt prou l’eaue qui tomboyt en la Loire, ne sonnoyt mot, estoyt songieuse, et ses dames faisoyent à son imitation. Le bon Roy devisoyt avecques ceulx de sa Court qui l’avoyent accompagné de la chapelle, veu que il s’en alloyt du retourner des vespres dominicales. Ses tours, retours, et arraisonnemens parachevez, il advisa la Royne, la veit embrunée, veit les dames embrunées aussy, et nota que toutes estoyent en cognoissance des chouses du mariaige.

Ores ça, feit-il, ne ay-je point veu léans mons l’abbé de Turpenay ?

Oyant ce, s’advança vers le Roy le moyne qui, par ses requestes de iustice, feut iadis tant importun au roy Loys le unziesme, que ledict roy avoyt commandé griefvement à son prevost de l’hostel de l’oster de sa veue, et ha esté dict au Conte de ce Roy, dans le prime Dixain, comment se saulva le moyne par la coulpe du sieur Tristan. Ce moyne estoyt lors ung homme dont les qualitez avoyent poulsé trez vertement en espaisseur, et tant, que son esperit s’estoyt respandu en supercoulorations sur sa face. Aussy plaisoyt-il