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CONTES DROLATIQUES.

Aulcunes maulvaises gens crieront encores de cecy. Mais treuvez ung tronsson d’homme parfaictement content sur ceste miette de boue. Est-ce pas une honte ? En cecy l’Autheur se est saigement comporté à l’instar de Dieu. Et il le prouve par atqui. Oyez ! est-il point démonstré en toute claireté aux sçavans que le souverain Seigneur des mondes ha faict ung nombre infiny de machines lourdes, poisantes, graves, à grosses roues, grans chaisnes, terribles détentes, et affreux tournoyemens complicquez de vis et de poids en la fasson des tourne-broches, mais aussy se est diverty en de petites mignonneries et chouses grotesques, légières comme le vent, que il ha faict encores créations naïfves et plaisantes dont vous riez, les voyant ? Est-ce pas vray ? Doncques, en toute œuvre concentricque, comme est la trez-spacieuse bastisse emprinse par l’Autheur, besoing est, pour se modeler sur les lois de ce dessus dict Seigneur, de fassonner aulcunes fleurs mignonnes, plaisans insectes, beaulx draccons bien tortillez, imbricquez, supercoulorez, voire mesmes dorez, encores que l’or luy fault souvent, et de les gecter aux pieds de ses monts neigeux, piles de roches et aultres sourcilleuses philosophies, longs et terribles ouvraiges, columnades marmorines, vrays pensiers sculptez en porphyre. Ha ça ! bestes immundes qui honnissez et repudiez les fugues, phantaisies, contrepeteries, musicques et roulades de la iolie muse drolaticque, ne rongerez-vous pas vos griphes, pour ne plus escorchier sa peau blanche, azurée de veines, ses reins amoureux, ses flancs de toute élégance, ses pieds qui restent saigement au lict, son visaige de satin, ses formes lustrées, son cueur sans fiel ? Ha ! testes choppes, que direz-vous en voyant cy, que ceste bonne fille est yssue du cueur de la France, concorde aux natures de la femme, ha esté saluée d’un ave gentil par les anges de la personne du