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LA BELLE IMPÉRIA.

— Ah ! Iésus, vous allez me maulgréer, mon bon maistre et protecteur, pour ce que i’ay veu la dame d’ung cardinal au moins… Et ie plouroys, voyant qu’il me manqueroyt bien plus d’ung paillard escu pour elle, encore que me la laisseriez convertir au bien…

L’archevesque, fronssant l’accent circonflexe qu’il avoyt au-dessus du nez, ne souffla mot. Ores doncques, le trez-humble prebstre trembloyt dans sa peau de s’estre ainsy confessé à son supérieur. Mais incontinent le sainct homme luy dit : — Vère, elle est doncques bien chiere ?

— Ah ! feit-il, elle ha desgressé bien des mitres et frippé bien des crosses.

— Eh bien, Philippe, si tu veux renoncer à elle, ie te bailleray trente angelotz du bien des paouvres.

— Ah ! monseigneur, i’y perdroys trop ! répondit le gars ardé par la ratelée qu’il se promettoyt.

— Oh ! Philippe, dit le bon Bourdeloys, tu veux doncques aller au diable et desplaire à Dieu, comme tous nos cardinaulx ?

Et le maistre, navré de douleur, se mit à prier saint Gatien, patron des cocquebins, de saulver son serviteur. Il le feit agenoiller, en luy disant de se recommander aussy à saint Philippe ; mais le damné prebstre impétra tout bas le sainct de l’empescher de faillir, si demain sa dame le recevoyt à mercy et miséricorde ; et le bon archevesque, oyant la ferveur de son domestique, lui crioyt : — Couraige, petit ! le Ciel t’exaulcera.

Lendemain, pendant que Monsieur déblatéroyt au Concile contre le train impudicque des apostres de la chrestienté, Philippe de Mala despendit ses angelotz, gaignez avecques force labeur, en parfumeries, baignades, estuveries et aultres friperies. Ores, il se mugueta si bien, qu’auriez dict le mignon d’une linotte coëffée. Il dévalla par la ville pour y recognoistre le logiz de sa royne de cueur ; et quand il demanda aux passans à qui estoyt ladicte maison, ils lui rioyent au nez, en disant : « D’où vient ce galeux qui n’ha entendu parler de la belle Impéria ? » Il eut grant paour d’avoir despendu ses angelots pour le diable, en voyant, par le nom, dans quel horrificque tracquenard il estoyt tombé voulentairement.

Impéria estoyt la plus prétieuse et fantasque fille du monde, oultre qu’elle passoyt pour la plus lucidificquement belle, et celle qui mieulx s’entendoyt à papelarder les cardinaulx, guallantiser les plus rudes souldards et oppresseurs du peuple. Elle possédoyt