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CONTES DRÔLATIQUES.

gnonnes souriz privées, veu que les Canons du concile de Chezil n’avoyent point encore esté adoptez, et qu’il estoyt licite à eulx d’avoir des femmes de bien pour concubines. Lesquels rats et souriz à prébendes et bénéfices estoyent à la rengette sur deux files, que vous eussiez cru veoir une procession de l’Université allant au Lendit. Et tous de flairer les victuailles.

Alors que ung chascun feut placé pour la cérémonie, le vieulx cardinal des rats preint la parole et feit une concion en latin de souriz pour demonstrer au muzaraigne que nul, fors Dieu, n’estoyt au-dessus de luy ; et que à Dieu seul il debvoyt obéissance ; puis force belles périphrases fanfreluchées de citations évangélicques pour destourner les principes et emberlucocquer les assistans ; enfin beaulx arraisonnemens picquez de rouelles de bon sens. Laquelle concion fina par une péroraison amplement taborinée de mots ronflans en l’honneur des muzaraignes, parmy lesquels cettuy estoyt le plus inclyte et le meilleur qui iamais eust esté soubz le soleil ; dont du tout feut esblouy le guardien des grainiers.

Ce bon gentilhomme eut de tout poinct la tourne testée ou la teste tournée et installa ces rats si beaux diseurs en son pourpriz, où se conclama nuict et iour des louanges dorées, et aulcuns gentils canticques en son honneur, non sans célébrer sa dame dont ung chacun baisoyt la patte et flairoyt la ioyeulse crouppe. En fin de tout, la maistresse, sçaichant que de ieunes rats ieusnoyent encores, voulsit parachever son œuvre. Doncques elle ioua