Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
CONTES DRÔLATIQUES.

— Ie vouldroys bien, repartit le marié, me bouter dedans vostre lict, sans trop vous gehenner.

— Ie vous feray place voulentiers, pour ce que ie doibs vous estre soumise.

— Hé bien, feit-il, ne me resguardez point. Ie vais me despouiller et venir.

A ceste vertueuse parole, la damoiselle se tourne vers la ruelle, en grant expectative, veu que ce estoyt bien la prime foys que elle alloyt se treuver séparée d’ung homme par les confins d’une chemise seulement. Puis vint le cocquebin, se glissa dedans le lict, et, par ainsy, se treuvèrent unis de faict, mais bien loing de la chouse que vous sçavez. Vites-vous iamais cinge advenu de son pays d’oultre-mer auquel pour la prime foys est baillée noix grollière ? Cettuy cinge, sçaichant, par haulte imagination cingesque, combien est délicieuse la victuaille cachée soubs ce brou, flaire et se tortille en mille cingeries, disant ie ne sçays quoy entre ses badigoinces. Hé ! de quelle affection l’estudie ; de quelle estude l’examine ; en lequel examen la tient, puis la tabutte, la roule, la sacqueboute de cholère, et souvent, quand ce est ung cinge de petite extraction et intelligence, laisse la noix ! Autant en feit le paouvre cocquebin, lequel, devers le iour, feut contrainct d’advouer à sa chiere femme que, ne saichant comment faire son office, ni quel estoyt le dict office, ni où se déduysoyt l’office, besoing luy estoyt de s’enquérir de ce, d’avoir ayde et secours.

— Oui, feit-elle, veu que par malheur ie ne vous l’enseigneray point.

De faict, maulgré leurs inventions, essays de toute sorte, maulgré mille chouses dont s’ingénient les cocquebins, et dont iamais ne se doubteroyent les sçavans en matière d’amour, les deux espoux s’endormirent, desolez de n’avoir point ouvert la noix grollière du mariaige. Mais convindrent par sapience de se dire tous deux trez-bien partagiez. Lorsque se leva la mariée, tousiours damoiselle, veu que elle n’avoyt point esté damée, se vanta trez-bien de sa nuictée, et dit avoir le roy des maris et y alla, dans ses cacquetages et reparties, dru comme ceux qui ne sçavent rien de ces chouses. Aussy, ung chascun treuva la pucelle ung peu bien desgourdie, veu que, par double raillerie, une dame de la Roche-Corbon ayant incité une ieune pucelle de la Bourdaisière, laquelle ne sçavoyt rien de la chouse, à demander