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LA FAULSE COURTIZANE.

Ce tumbeau feut escript en beau latin ; mais, pour la commodité de tous, besoing estoyt de le françoyser, encores que le mot de gente soit foyble pour celluy de formosa, qui signifie gracieuse de formes. Monseigneur le duc de Bourgongne, dict sans paour, en qui, paravant de mourir, se deschargea le sire de Hocquetonville de ses poines, cimentées à chaulx et à sable en son cueur, souloyt dire, maulgré son aspre dureté en ces chouses, que ceste épitaphe le muoyt en mélancholie pour ung mois, et que parmy les abominations de son cousin d’Orléans s’en treuvoyt une pour laquelle il recommenceroyt à le meurdrir, si ià ne l’estoyt, pour ce que ce maulvais homme avoyt villainement mis le vice en la plus divine vertu de ce monde, et prostitué deux nobles cueurs l’ung par l’aultre. Et ce disant, il songioyt à la dame de Hocquetonville et à la sienne, dont la pourtraycture avoyt esté induement placée au cabinet où son cousin boutoyt les imaiges de ses gouges.

Ceste adventure estoyt si griefvement espouvantable, que, alors que elle feut raconté par le comte de Charolois au Daulphin, depuis le Roy Loys unziesme, cettuy ne voulut point que les secrétaires la missent en lumière dedans son Recueil, par esguard pour son grant uncle le duc d’Orléans et pour Dunois, son vieil compaignon, fils d’icelluy. Mais le personnaige de la dame de Hocquetonville est si reluysant de vertus et beau de mélancholie, que, en sa faveur, sera pardonné à cettuy conte d’estre icy, maulgré la diabolicque invention et vengeance de monseigneur d’Orléans. Le iuste trespas de ce braguard ha néantmoins causé plusieurs grosses guerres que, finalement, Loys le unziesme, impatienté, estaingnit à coups de hache.

Cecy nous démonstre que dans toutes chouses il y ha de la femme, en France et ailleurs, puis nous enseigne que tost ou tard il faut payer nos follies.


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