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LA FAULSE COURTIZANE.

de diabolicquement chauldes. Sur ce, les pots estant vuydez, le duc poulsa Raoul, qui se laissa poulser à bon escient, tant il estoyt endiablé, dedans la chambre où, par ainsy, le prince contraingnoyt la dame à déliberer de quel poignard elle vouloyt ou vivre ou mourir. Sur le minuict, le sire d’Hocquetonville yssit trez-ioyeulx, non sans remords d’avoir truphé sa bonne femme. Lors le duc d’Orléans feit saulver madame d’Hocquetonville par une porte des iardins, à ceste fin que elle gaignast son hostel devant que son espoux y arrivast.

— Ceci, lui dit-elle en l’aureille en passant la poterne, nous coustera chier à tous.

Un an après, en la vieille rue du Temple, Raoul de Hocquetonville, qui avoyt quitté le service du duc pour celluy de Iehan de Bourgongne, deschargea, premier, ung coup de hache en la teste dudict seigneur, frère du Roy, et le navra, comme ung chascun sçayt. Dans l’année, estoyt morte la dame d’Hocquetonville, ayant despéry comme fleur sans aër ou rongée par ung taon. Son bon mary feit engraver au marbre de sa tumbe, qui est en ung cloistre de Péronne, le devis ensuyvant :

CY GIST
BERTHE DE BOURGONGNE
NOBLE ET GENTE FEMME
DE
RAOUL, SIRE DE HOCQUETONVILLE
LAS ! NE PRIEZ POINT POUR SON AME
ELLE
HA REFLORI EZ CIEULX
LE UNZE JANVIER
DE L’AN DE N. S. M CCCC VIII
EN L’AAGE DE XXII ANS
LAISSANT DEUX FIEUX ET SON SIEUR ESPOUX EN GRANT
DEUIL.