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LA FAULSE COURTIZANE.

friandises et gentilles confictures de l’amour, et que si elle vouloyt gouster ung petit à la séraphicque doulceur de ces mignonneries à elle incongneues, elle ne verroyt le restant des chouses de la vie que comme festus ; et, si telle estoyt sa voulenté, luy seroyt plus muet que ne le sont les trespassez ; par ainsy, nul scandale ne conchieroyt sa vertu. Puis, le rusé paillard, voyant que la dame ne se bouchioyt nullement les aureilles, entreprint de luy descripre en manière de peintures arabesques, qui lors avoyent grant faveur, les lascives inventions des desbauchez. Ores doncques, il gecta des flammes par les yeulx, bouta mille braziers dedans ses paroles, musicqua sa voix, et print plaisir pour luy-mesme à se ramentevoir les diverses méthodes de ses amyes, les nommant à madame d’Hocquetonville, et luy racontant mesme les lesbineries, chattonneries et doulces estrainctes de la Royne Isabelle, et feit usaige d’une loquelle si gracieuse et si ardemment incitante, que il crut veoir lascher à la dame, ung petit, son redoutable fer agu ; et lors feit mine d’approucher. Mais elle, honteuse d’estre prinse à resver, resguarda fièrement le diabolicque Leviathan qui la tentoyt et lui dit : — Beau sire, ie vous mercie. Vous me faictes davantaige aymer mon noble espoux, pour ce que, par ces chouses, i’apprends qu’il m’existime moult, en ayant tel respect de moy, qu’il ne deshonore point sa couche par les veautreries des villetières et femmes de maulvaise vie. Ie me cuyderoys à iamais honnie et seroys contaminée pour l’éternité, si ie mettoys les pieds en ces bourbiers où vont les posticqueuses. Aultre est l’espouse, aultre est la maistresse d’ung homme.

— Ie gaige, dit le duc en soubriant, que désormais vous presserez néantmoins ung peu plus le sire d’Hocquetonville au déduict.

A cecy, la bonne femme frémit et s’escria : — Vous estes ung maulvais. Maintenant ie vous mesprise et vous abomine ! Quoy ! ne pouvant me tollir mon honneur, vous visez à souiller mon ame ! Ha ! mon seigneur, vous porterez griefve poine de cettuy moment.

Si ie vous le pardoint,
Dieu ne l’oubliera point.

Ne est-ce pas vous qui avez faict ces versiculets ?

— Madame, dit le duc paslissant de cholère, ie puis vous faire lier…