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LA FAULSE COURTIZANE.

greffe, se fiant à son sçavoir en ceste chasse, la plus ioyeulse de toutes, où besoing est d’user des engins des aultres chasses, veu que ce ioly gibier se print à courre, aux mirouers, aux flambeaulx, de nuict, de iour, à la ville, en campaigne, ez fourrez, aux bords d’eaue, aux filets, aux faulxcons deschapperonnez, à l’arrest, à la trompe, au tir, à l’appeau, aux rets, aux toiles, à la pippée, au giste, au vol, au cornet, à la glue, à l’appast, au pippeau, enfin à tous pièges ingeniez depuis le bannissement d’Adam. Puis se tue de mille manières, mais presque tousiours à la chevaulchée.

Doncques le bon sournoys ne sonna plus mot de ses dezirs, mais feit donner à la dame d’Hocquetonville une charge en la maison de la Royne. Ores, ung iour que ladicte Isabeau s’en alloyt à Vincesnes veoir le Roy malade, et le laissoyt maistre en l’hostel Sainct-Paul, il ordonna le plus friand souper royal au queux, luy enioingnant de le servir dedans les chambres de la Royne. Puis manda sa restive dame par exprès commandement et par ung paige de l’hostel. La comtesse d’Hocquetonville, cuydant estre dezirée par madame Isabelle pour affaire de sa charge, ou conviée à quelque esbat soubdain, se hasta de venir. Ores, selon les dispositions prinses par le desloyal amoureux, nul ne put informer la noble dame de la despartie de la princesse ; doncques elle accourut iusques en la belle salle qui est à l’hostel Sainct-Paul avant la chambre où couchioyt la Royne. Là veit le duc d’Orléans seul. Lors redouta quelque traistre emprinse, alla vitement en la chambre, ne rencontra point de Royne, mais entendit ung bon franc rire de prince.

— Ie suis perdue, feit-elle. Puis voulut se enfuir.

Mais le bon chasseur de femmes avoyt aposté des serviteurs dévouez, lesquels, sans cognoistre ce dont il s’en alloyt, fermèrent l’hostel, barricadèrent les portes, et dedans ce logiz, si grant que faisoyt-il le quart de Paris, la dame d’Hocquetonville se treuva comme en ung désert, sans aultre secours que celuy de sa patronne et Dieu. Lors, doubtant de tout, la paouvre dame tressaillit horrificquement et tomba sur une chaire, quand le travail de ceste embusche, si curieusement excogitée, luy feut démonstré entre mille bons rires par son amant. Alors que le duc feit mine de s’approucher, ceste femme se leva, puis luy dit en s’armant de sa langue d’abord, et mettant mille malédictions en ses yeulx :

— Vous iouyrez de moy, mais morte ! Ha ! mon seigneur, ne