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CONTES DRÔLATIQUES.

tout en grans volées. Iacques de Beaune pourpensoyt en luy-mesme que bien difficile estoyt que il couchiast avecques la Régente ; tels trafficqs ne se parfaisoyent point comme le mariage des chattes qui ont tousiours une gouttière ez toits des maisons pour y aller margauder à leur aise. Doncques, il se gaudissoyt d’estre cogneu de la Régente sans avoir à luy compter ce douzain diabolicque, veu que, pour ce, besoing estoyt que meschines et gens feussent à l’escart et l’honneur sauf. Néantmoins, redoubtant l’engin de la bonne dame, parfoys il se tastoyt, se dysant : « En auroys-je l’étoffe ? » Mais, à l’umbre de ses discours, à ce songioyt aussy la bonne Régente, laquelle avoyt accommodé mainte affaire moins crochue. Et de deviser trez-saigement. Elle feit venir ung sien secrétaire, homme au faict des imaginations idoynes au parfaict gouvernement du royaulme, et luy donna en commandement de luy remettre secrettement ung faulx messaige pendant le souper. Puis vint le repas, auquel point ne touchia la dame, veu que son cueur estoyt gonflé comme esponge et avoyt diminué l’estomach, car tousiours elle pensoyt à ce bel et duysant homme, n’ayant appétit que de luy. Iacques ne se feit faulte de mangier, pour raisons de toutes sortes. Bon messaiger de venir, madame la Régente de tempester, fronsser les sourcils à la mode du feu Roy, de dire : « N’aura-t-on point la paix en cet Estat ? Pasques Dieu ! nous ne sçaurions avoir une vesprée de bonne ! » Et Régente de se lever, de marcher. « Holà ! ma hacquenée ! Où est monsieur de Vieilleville, mon escuyer ? Point. Il est en Picardie. D’Estouteville, vous allez me rejoindre avecques ma maison au chasteau d’Amboise… » Et advisant son Iacques, elle dit : « Vous serez mon escuyer, sieur de Beaune. Vous voulez servir le Roy ? Bonne est l’occasion. Pasques Dieu ! venez. Il y ha des mescontens à rebattre, et besoing est de fidelles serviteurs. »

Puis, le temps que ung vieulx paouvre eust mis à dire ung cent d’ave, chevaulx feurent bridez, sanglez, prests. Madame sur sa hacquenée, et le Tourangeau à ses costez, courant dare, dare, au chasteau d’Amboise, suyvis de gens d’armes. Pour estre brief et