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CONTES DROLATIQUES.

Poissy. Il y ha encores le crucifix de Poissy, lequel tenoyt chauld à l’estomach. Puis, les matines de Poissy, lesquelles finoyent par des enfans de chœur. Enfin, d’une brave galloise bien entendue aux friandises de l’amour il estoyt dict : Ce est une religieuse de Poissy. Ceste certaine chouse que vous sçavez et que l’homme ne peut que prester, ce estoyt la clef de l’abbaye de Poissy. Pour ce qui est du portail de la dicte abbaye, ung chascun le congnoyt de bon matin. Cettuy portail, porte, huys, ouvrouere, baye, car tousiours reste entrebayé, est plus facile à ouvrir qu’à fermer, et couste moult en réparations. Bref, il ne s’inventoyt pas, dans cettuy temps, une gentillesse en amour, qu’elle ne vinst du bon couvent de Poissy. Comptez qu’il y a beaucoup de menteries et d’emphases hyperbolicques dans ces proverbes, mocqueries, bourdes et coq-à-l’asne. Les nonnes dudict Poissy estoyent de bonnes demoiselles qui trichoyent bien, ores cy, ores là, Dieu au prouffict du diable, comme tant d’aultres, pour ce que nostre naturel est fragile, et que, encores qu’elles feussent religieuses, elles avoyent leurs imperfections. En elle force estoyt qu’il se rencontrast ung endroict où l’estoffe manquoyt, et de là le maulvais. Mais le vray de cela est que ces maulvaisetez feurent le faict d’une abbesse, laquelle eut quatorze enfans, tous vivans, veu qu’ils avoyent esté parfaits à loysir. Ores les amours phantasques et les droleries d’icelle, qui estoyt une fille de sang royal, mirent à la mode le couvent de Poissy. Et lors il n’y eut histoire plaisante advenue ez abbayes de France qui ne fust yssue de desmangeaisons de ces paouvres filles, lesquelles auroyent bien voulu y estre seulement pour la dixme. Puis, l’abbaye feut réformée, comme ung chascun sçayt, et l’on osta à ces sainctes nonnains le peu d’heur et de liberté dont elles iouissoyent. En ung vieulx cartulaire de l’abbaye de Turpenay, près Chinon, qui, par ces darreniers maulvais temps, avoyt trouvé azyle en la bibliothecque d’Azay, où bien le receut le chastelain d’auiourd’huy, i’ay rencontré ung fragment soubz la rubrique de : les Heures de Poissy, lequel ha évidemment esté composé par ung ioyeulz abbé de Turpenay, pour le divertissement de ses voisines d’Ussé, Azay, Mongauger, Sacchez, et aultres lieux de ce pays. Ie le donne soubz l’authorité du froc, mais en l’accommodant à ma guyse, veu que i’ay esté contrainct de le transvaser de latin en françoys. Ie commence. Doncques, à Poissy, les religieuses avoyent