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PROLOGUE.

comicque tout neuf, levé sur la pièce diurne, nocturne, et sans deffault de trame, que tisse le genre humain en chaque minute, chaque heure, chaque semaine, mois et an du grant Comput ecclésiastique, commencé en ung temps où le soleil n’y voyoyt goutte et où la lune attendoyt qu’on lui monstrast son chemin. Ces septante subiects, qu’il vous octroye licence d’appeler de maulvais subiects, pleins de pipperies, effrontez, paillards, pillards, raillards, ioueurs, ribleurs, estant ioincts aux deux Dixains présentement escloz, sont, ventre Mahom ! un légier à-compte sur la dessusdicte centaine. Et n’estoyt la male heure des bibliopoles, bibliophiles, bibliomanes, bibliographes et bibliothecques, qui arreste la bibliophagie, il les eust donnez d’une razade, et non goutte à goutte, comme s’il estoyt affligé d’une dysurie de cervelle. Ceste infirmité n’est, per Braguettam, nullement à redoubter en luy, veu que souvent il faict bon poids, boutant plus d’ung conte en ung seul, comme il est apertement démonstré par plusieurs de ce Dixain. Comptez mesmes qu’il ha esleu, pour finir, les meilleurs et plus ribauds d’entre eulx, à ceste fin de n’estre point accusé d’ung senile décours. Doncques, meslez plus d’amitiez en vos haines, et moins de haines en vos amitiez. Ores, mettant en oubly l’avaricieuse rareté de la Nature à l’endroict des conteurs, lesquels ne sont pas plus de sept parfaits en l’océan des escriptures humaines, d’aultres, tousiours amys, ont esté d’advis que, en ung temps où chascun va vestu de noir, comme en deuil de quelque chouse, besoing estoyt de concoctionner des ouvraiges ennuyeusement graves ou gravement ennuyeux ; que ung scriptolastre ne pouvoyt vivre désormais qu’en logiant son esperit en de grans édifices, et que ceux qui ne sçavoyent point rebastir les cathédrales et chasteaulx, dont aulcune pierre, ni ciment ne bouge, mourroyent incogneus comme les mules des papes.