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LA CONNESTABLE.

plus haultes ; ce que les dames ont en une saige horreur, veu que elles n’ayment point à avoir les solives du lict pour seuls iuges de leurs mignardises et bons coups.

Doncques, la belle comtesse, dès qu’elle feust connestablée, n’en mordit que mieulx à l’amour, dont elle avoyt le cueur encombré par le susdict Savoisy ; ce que veit bien le compaignon.

Voulant tous deux estudier mesme musicque, ils eurent bientost accordé leurs lucs ou deschiffré le grimoire ; et ce feut chouse apertement démonstrée à la royne Isabelle que les chevaulx de Savoisy estoyent plus souvent establez chez son cousin d’Armignac qu’en l’hostel Sainct-Pol, où demouroyt le chamberlan, depuis la destruction de son logiz, faicte par ordre de l’Université, comme ung chascun sçayt.

Ceste preude et saige princesse, redoubtant par advance quelque fascheux estrif pour Bonne, d’autant que ledict connestable ne chailloyt pas plus à iouer de sa lame que prebstre à donner ses bénédictions, ladicte royne, fine à dorer comme une dague de plomb, dit ung iour en sortant de vespres à sa cousine, qui prenoyt de l’eaue benoiste avecques Savoisy :

— Ma mye, ne voyez-vous point du sang dedans ceste eaue ?

— Bah ! feit Savoisy à la royne, l’amour ayme le sang, madame ! …

Ce que ladicte royne treuva fort bien respondu, et le mit en escript, puis plus tard en action, lors que son seigneur Roy navra ung sien amant, dont vous verrez poindre la faveur dans cettuy Conte.

Vous sçavez, par maintes expérimentations, que durant le prime vère de l’amour, ung chascun des deux amans ha tousiours en gran paour de livrer le mystère de son cueur ; et, tant par fleur de pru-