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CONTES DRÔLATIQUES.

— Là-bas, à ceste belle maison dont les piliers ont en hault des gueules de beaulx crapauds volans bien mignonnement engravées. Entendez-vous les varlets et les chamberières ?

Et, de faict, ce n’estoyent que cris : — Au meurtre ! au secours ! Holà ! Venez ! Puis, dans la maison pleuvoyent les coups ; et le Mau-cinge disoyt de sa grosse voix : — A mort la garse ! Tu chantes, ribaulde ! Ah ! tu veulx des escuz ! en voilà !

Et la Pasquerette gémissoyt : « Hein ! hein ! ie meurs ! à movy ! Hein ! hein !… » Lors, un grant coup de fer, puis la lourde chute du légier corps de la iolie fille, sonnèrent, et feurent suyvis d’un grant silence ; après quoy, les lumières s’esteginirent : serviteurs, chamberières, convives et aultres rentrèrent, et le bergier, qui estoyt advenu à temps, monta les degrez, de compaignie avecques eulx. Mais, en voyant dedans la salle haulte les flacons cassez, les tapisseries coupées, la nappe à terre avecques les plats, ung chascun demoura coy.

Le bergier, hardy comme ung homme adonné à ung seul vouloir, ouvrit l’huys de la belle chambre où couchioyt la Pasquerette, et la treuva toute deffaicte, les cheveulx espars, la gorge de travers, gisant sur son tapis ensanglanté ; puis, le Mau-cinge, esbahy, qui avoyt le verbe bien bas, ne saichant plus sur quelle note chanter le reste de son antienne.