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URSULE MIROUET.

rents finirent par prendre l’habitude de s’y voir. Au retour du docteur, le salon de Dionis était donc devenu le camp des héritiers. Le juge de paix et le maire qui se lièrent alors pour résister aux libéraux de Nemours, battus par l’Opposition malgré les efforts des châteaux situés aux environs, furent étroitement unis par leur défaite. Lorsque Bongrand et l’abbé Chaperon apprirent au docteur le résultat de cet antagonisme qui dessina, pour la première fois, deux partis dans Nemours, et donna de l’importance aux héritiers Minoret, Charles X partait de Rambouillet pour Cherbourg. Désiré Minoret, qui partageait les opinions du Barreau de Paris, avait fait venir de Nemours quinze de ses amis commandés par Goupil, et à qui le maître de poste donna des chevaux pour courir à Paris, où ils arrivèrent chez Désiré dans la nuit du 28. Goupil et Désiré coopérèrent avec cette troupe à la prise de l’Hôtel-de-Ville. Désiré Minoret fut décoré de la Légion-d’Honneur, et nommé substitut du procureur du roi à Fontainebleau. Goupil eut la croix de Juillet. Dionis fut élu maire de Nemours en remplacement du sieur Levrault, et le conseil municipal se composa de Minoret-Levrault, adjoint ; de Massin, de Crémière et de tous les adhérents du salon de Dionis. Bongrand ne garda sa place que par l’influence de son fils, fait procureur du roi à Melun, et dont le mariage avec mademoiselle Levrault parut alors probable. En voyant le trois pour cent à quarante-cinq, le docteur partit en poste pour Paris, et plaça cinq cent quarante mille francs en inscriptions au porteur. Le reste de sa fortune, qui allait environ à deux cent soixante-dix mille francs, lui donna, mis à son nom dans le même fonds, ostensiblement quinze mille francs de rente. Il employa de la même manière le capital légué par le vieux professeur à Ursule, ainsi que les huit mille francs produits en neuf ans par les intérêts, ce qui fit à sa pupille quatorze cents francs de rente, au moyen d’une petite somme qu’il ajouta pour arrondir ce léger revenu. D’après les conseils de son maître, la vieille Bougival eut trois cent cinquante francs de rente en plaçant ainsi cinq mille et quelques cents francs d’économies. Ces sages opérations, méditées entre le docteur et le juge de paix, furent accomplies dans le plus profond secret à la faveur des troubles politiques. Quand le calme fut à peu près rétabli, le docteur acheta une petite maison contiguë à la sienne, et l’abattit ainsi que le mur de sa cour pour faire construire à la place une remise et une écurie. Employer le capital de mille francs de rente à se donner des com-