Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/478

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’idée d’aller travailler chez les autres pour ne nous rien coûter…

— On deviendrait riche uniquement pour pouvoir récompenser ces braves gens-là, dit Séchard en regardant sa femme.

Ève trouvait cela tout simple, elle n’était pas étonnée de rencontrer des âmes à la hauteur de la sienne. Son attitude eût expliqué toute la beauté de son caractère aux êtres les plus stupides, et même à un indifférent.

— Vous serez riche, mon cher monsieur, vous avez du pain de cuit, s’écria Marion, votre père vient d’acheter une ferme, il vous en fait, allez ! des rentes…

Dans la circonstance, ces paroles dites par Marion pour diminuer en quelque sorte le mérite de son action, ne trahissaient-elles pas une exquise délicatesse ?

Comme toutes les choses humaines, la procédure française a des vices. Néanmoins, de même qu’une arme à deux tranchants, elle sert aussi bien à la défense qu’à l’attaque. En outre, elle a cela de plaisant, que si deux avoués s’entendent (et ils peuvent s’entendre sans avoir besoin d’échanger deux mots, ils se comprennent par la seule marche de leur procédure !) un procès ressemble alors à la guerre comme la faisait le premier maréchal de Biron à qui son fils proposait au siége de Rouen un moyen de prendre la ville en deux jours. — Tu es donc bien pressé, lui dit-il, d’aller planter nos choux. Deux généraux peuvent éterniser la guerre en n’arrivant à rien de décisif et ménageant leurs troupes, selon la méthode des généraux autrichiens que le Conseil Aulique ne réprimande jamais d’avoir fait manquer une combinaison pour laisser manger la soupe à leurs soldats. Maître Cachan, Petit-Claud et Doublon se comportèrent encore mieux que des généraux autrichiens, ils se modelèrent sur un Autrichien de l’antiquité, sur Fabius Cunctator !

Petit-Claud, malicieux comme un mulet, eut bientôt reconnu tous les avantages de sa position. Dès que le payement des frais à faire était garanti par le grand Cointet, il se promit de ruser avec Cachan, et de faire briller son génie aux yeux du papetier, en créant des incidents qui retombassent à la charge de Métivier. Mais, malheureusement pour la gloire de ce jeune Figaro de la Basoche, l’historien doit passer sur le terrain de ses exploits comme s’il marchait sur des charbons ardents. Un seul mémoire de frais, comme celui fait à Paris, suffit sans doute à l’histoire des mœurs contemporaines. Imitons donc le style des bulletins de la Grande-Armée ;